La citation en désignation d'un administrateur provisoire

Vous avez des parts dans une société dont la gestion est catastrophique ou bloquée. Vous suspectez des manœuvres bizarres voire un cas de fraude. L'attitude de l'administrateur est menaçante.

Vous pensez qu’effectuer une action en demande de vérification de la comptabilité prendra trop de temps parce que les intérêts de la société (et donc les vôtres) sont gravement menacés.

- Vous êtes dans un 50/50. Le cas le plus explosif d'un litige entre associés.  

- Vous êtes minoritaire. Le majoritaire contrôle tout. 

Vous craignez que le fonctionnement de la société se trouve complètement bloqué. Il y a une impossibilité de tenir un conseil d’administration ou une assemblée générale. Parce que la mésentente entre associés égalitaires paralyse la société.

Vous constatez que la personne aux commandes fait n’importe quoi. Elle est désinvestie ou absente. Dans le coma à la clinique ou carrément décédée. 

Bref, vous craignez que la société dans laquelle vous avez investi ou de laquelle vous avez hérité perde de la valeur chaque jour qui passe.

Ne paniquez plus.

Vous avez un moyen d’action devant le Président du Tribunal de l'entreprise : une citation en désignation d’un administrateur provisoire.

L’objectif ici est de remplacer temporairement le représentant légal incompétent par une personne de confiance désignée par le tribunal. Elle sera mandatée pour gérer la transition le temps nécessaire à la clarification. 

Cette forme d’attaque est une des 5 attaques possibles pour sauvegarder vos intérêts

La base légale en droit belge ne se trouve pas dans le Code des sociétés et des associations mais à l’article 584, al.3 du Code judiciaire :

« Le président du tribunal du travail et le président du tribunal de l’entreprise peuvent statuer au provisoire dans les cas dont ils reconnaissent l'urgence, dans les matières qui sont respectivement de la compétence de ces tribunaux ».

 

Qu’est-ce que la citation en désignation d’un administrateur provisoire ?

La citation pour désigner un administrateur provisoire est une procédure qu'un actionnaire peut entamer pour destituer l'organe de gestion de la société et le remplacer par une personne compétente.

Ce procès est une mesure tactique dans le cadre d'une stratégie globale à mettre en place. Il sert à gagner du temps en attendant de trouver une solution définitive au fond du problème et à la situation litigieuse.

 

Compétence du tribunal et rôle de la société  

Seul le président du tribunal de l’entreprise du siège de la société, siégeant en référé, est compétent pour analyser la demande. La société est bien évidemment partie au procès. C’est son fonctionnement au quotidien qui est visé.

 

Comment obtenir gain de cause devant le tribunal ? 

Comme pour toute action devant le tribunal, la demande doit être déclarée recevable. Vous devez donc justifier d'un intérêt direct, personnel et légitime à agir. 

La demande est aussi soumise à de strictes conditions : l’urgence et la subsidiarité, et à trois limites : le provisoire, l’immixtion minimale et la proportionnalité.

 

Le 1er combat : l’urgence 

L’urgence suppose la crainte d’un préjudice d’une certaine gravité, voire d’inconvénients sérieux, qui rendent une décision immédiate souhaitable.

L'urgence est unanimement admise dès l'instant où un préjudice d'une certaine gravité voire la seule crainte d'inconvénients sérieux rend une décision immédiate souhaitable (Cass., 21 mai 1987, Pas. 1987, I, p. 1160).

Si un administrateur unique est décédé (ou au stade « légume » aux urgences) et que rien n’est prévu dans les statuts pour le substituer, il y a urgence. Si deux actionnaires 50/50 se font la guerre et que tout est bloqué pour la gestion (l’un dit blanc et l’autre dit noir), il y a bien urgence.

En pratique, c’est le point le plus sensible à prouver. Si vous ne convainquez pas le juge qu’il y a urgence, vous perdrez le procès rien que sur ce point. Donc prudence de ne pas voir votre action déclarée irrecevable pour défaut d'urgence.

 

Le 2ᵉ combat : la subsidiarité 

La subsidiarité de l’intervention judiciaire signifie que celle-ci ne peut être sollicitée que lorsqu’elle s’avère nécessaire parce que le Code des sociétés et des associations ou les statuts ne permettent pas d’apporter une solution plus rapide et adéquate. Toutes les autres pistes de solution sont sans issue.

Si les adversaires soutiennent que la demande de désignation d’un administrateur provisoire pour la société est un motif pour vous citer en exclusion, c’est du bluff.  En effet, ne constituent pas de justes motifs pour citer en exclusion notamment une action en désignation d’un administrateur provisoire (Comm. Bruxelles, 4 novembre 1996, Rev. Prat. Soc., 1997, p. 276.). Il ne peut plus généralement être reproché à un associé d’exercer ses droits sociaux même si cela déplaît à l’autre associé.

 

Le 3ᵉ combat : le test des 3 limites

L’efficacité : la demande est-elle de nature à préserver les intérêts que l'on souhaite protéger ?

La nécessité : n'y a-t-il pas des moyens moins drastiques au fonctionnement autonome de la société qui permettent de protéger vos intérêts ?

Un administrateur provisoire ne peut intervenir qu’en cas de mauvaise gestion manifeste reconnue par le Tribunal.  Le magistrat ne peut effectuer qu’un contrôle dit « marginal », à savoir un contrôle en opportunité sur la manière dont la société est gérée. Pour vérifier la capacité de bonne administration de la société, le magistrat se place au niveau des décisions stratégiques et des réalisations concrètes de la boite. En clair, vous devez avoir des preuves solides pour gagner.

La proportionnalité : la mission confiée à l'administrateur provisoire ne doit viser que ce qui est strictement nécessaire pour répondre aux griefs soulevés par le demandeur.

In concreto, toute autre piste d’action est impossible.

En pratique, la désignation d’un administrateur provisoire avec des pouvoirs étendus « est une mesure qu'il convient d'accorder lorsqu'il existe une situation de crise profonde résultant soit d'une situation de blocage entre associés paralysant les organes de la société, soit d'actes de gestion manifestement désordonnés et contraires à l'intérêt social, …/… en attendant l'issue d'une procédure engagée au fond » (Bruxelles (9è ch.), 26 septembre 2000, J.L.M.B., 2001, p.820).

 

Le résultat : des mesures provisoires

Concrètement, voici ce que vous pouvez par exemple demander au juge :

« Ordonner le dessaisissement de l’organe de gestion de la société X.

Désigner un administrateur provisoire, en la personne de Me Z, pour une durée de trois mois, renouvelables, avec mission de :

Assurer la gestion journalière de la société X. ;

Sécuriser la trésorerie de la société X. ;

Prendre toutes les mesures de gestion et d'administration nécessaires pour préserver les intérêts de la société X, entre autres, d’une liquidation initiée par l’organe de gestion sans l’accord de la société X ;

Investiguer les retraits bancaires de X au profit de Y ;

Examiner les comptes courants existants en faveur de la société X ;

Préparer une situation active et passive ne remontant pas à plus de 3 mois ;

Convoquer une assemblée générale extraordinaire de la société X ;

Autoriser l’administrateur provisoire à se faire assister de toute personne de son choix pour la bonne fin de sa mission.

Tenter de concilier les parties ;

Mettre les frais et honoraires de l’administrateur provisoire à charge de la société X ;

Condamner les parties adverses aux dépens, en ce compris l’indemnité de procédure adéquate. »

 

Les autres types d'assignation au tribunal possibles sont :

 

La stratégie varie en fonction de votre cas spécifique.  Agir au mieux avec quel procès et à quel moment ne s’improvise pas.

 


 

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